Pourquoi tu cours ?

 

Y a-t-il un coureur à pied à qui cette question n'a jamais été posée ?

 

Cela revient invariablement au cours d'une soirée où malgré vos efforts pour masquer votre activité favorite, vous êtes démasqué et le sujet s'impose à la tablée. Vous vous retrouvez à expliquer gentiment, à des gens pour qui le summum de l'activité consiste à sortir le chien que oui ça vous arrive de courir un marathon à l’entraînement et même d’en enchaîner plusieurs. En montagne qui plus est. Alors forcément, vous avez le droit à des regards un peu ahuris, vous êtes pris pour un grand malade et tel un couperet, la question tant redoutée tombe : « Pourquoi tu cours ? ».

 

La réponse qui me vient instantanément à l'esprit c'est ... Pourquoi pas. Elle est vraiment très pratique celle-là. Vous pouvez la placer partout. Même en titre de livre. Fort bien écrit le livre, soit-dit en passant. Un peu d'autopromotion ne fait jamais de mal.

 

L'autre réponse qui suit c'est ... Parce que je peux. Réponse éminemment valable à mes yeux mais peut être un peu succincte pour alimenter ce blog. J'ai lu quelque part que quelqu'un qui pose une telle question n'est pas à même de comprendre la réponse. Il y a un peu de vrai dans cette assertion. Comment expliquer avec des mots, ce qui relève de la sensation et de l'émotion ? Et comment donner une réponse suffisamment simple et concise pour ne pas transformer la soirée en soutenance de thèse ?

 

Essayons pour voir.

 

Je commencerais par dire que l'homme est un animal. Un animal qui a conscience de lui-même mais un animal avant tout. Et comme tout animal qui se respecte, faire usage de son corps est dans sa nature. Est-ce ça qui fait que dès que je mets un pied sur un sentier, je me sens vivant ? Mon corps réagit immédiatement et même quand mes poumons sont en feu, que mes jambes brûlent, je suis là, présent à ce qui m'entoure. J'observe le mouvement de la vie qui s'écoule en moi. Parfois je pars dans mes pensées et puis je reviens à l'instant, conscient de chacun de mes pas, de chacune de mes respirations. Je goûte à la magie de sentir que tout mon corps participe à me faire progresser plus avant. Je ne peux me lasser de ce doux nectar qu'est l'euphorie provoquée par le ressenti de toute cette énergie en action. Et j'aime la fluidité et la légèreté que seule la course à pied peut apporter.

 

L'être humain est fait pour courir sur des longues distances sans s'épuiser. C'est dans mes gènes. C'est dans les vôtres. Souvenirs immémoriaux de notre humanité naissante quand chasser se faisait en courant, à l'usure. La bête traquée s'effondrant, épuisée, vidée par cet hominidé infatigable, tenace et persévérant.

 

Je pourrais aussi dire que quand je cours, je suis pleinement réceptif à mon environnement. J'aime voir la brume au-dessus d'un lac ou d'une rivière, un froid matin d’hiver quand la nature tourne au ralenti. Ou alors quand il pleut et que dans un sous-bois je joue avec les flaques en savourant le bruit de la pluie tombant sur les feuilles et l'odeur qui s'en dégage. Ou bien encore la fierté et le bonheur que je ressens après une sortie longue et difficile quand je me sens rincé, apaisé et en harmonie avec moi-même et avec l'univers. Et là, vous croyez que mon promeneur de chien il va être réceptif à mon beau discours ?

 

Je pourrais aussi évoquer mon maître à penser. Forrest Gump. On ne rigole pas s'il vous plaît. Sous ses airs de benêt un peu simplet, il ne faut pas lui en promettre. En voilà un qui a tout compris à la vie. Il a envie de courir, il court. Il a faim, il mange. Et n'oubliez pas qu'il a quand même mis Robin Wright dans son lit le bougre. Un héros j'vous dis !

 

A mon promeneur de chien, je pourrais aussi parler de toutes ces belles rencontres faites au fil de mes entraînements et de mes courses aux quatre coins de France et de Navarre. Tous ces gens croisés, ces bénévoles avec qui un regard échangé ou un sourire suffit pour créer du lien. Pour toutes ces raisons et bien d'autres encore, j'aurais simplement envie de lui répondre :

« Et toi, pourquoi tu ne cours pas ? ».

 

Regarde un peu le calendrier des courses édité chaque année et tu te rendras compte qu'il s'apparente plus à l’annuaire téléphonique qu’à un prospectus publicitaire. Le pays est envahi de coureurs de tous niveaux, de tous âges et de toutes classes sociales confondues. L'exception ça n'est plus le coureur, c'est le promeneur de chien. Alors rends-toi service, attrape une paire de basket et renoue avec l’animal qui sommeille en toi. 

 

Et tu verras, ton chien t'en sera reconnaissant car lui aussi a peut-être oublié l’animal qui sommeille en lui. 

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